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Elisabeth GOUZERONC  (1694-1761)

 

 

Le GOURON GOUZERON Patern (1665-1725)   =  Marie SALMON     

 

              

 

 

 

 

Elisabeth est originaire de Port Louis, en Bretagne. Son père est négociant et sa mère est issue d'une famille d'armateurs. C'est dans cette ville, en 1710, que sa sœur aînée, Renée, fait la connaissance de Antoine BOUCHER avec lequel elle conclut un mariage. Lorsque Boucher regagne l'Île Bourbon en 1718, bien que Renée soit décédée et lui déjà remarié, il emmène avec lui un certain nombre d’artisans et une bonne partie de sa famille ; pas moins de huit de ses belles sœurs ! Elisabeth GOUZERONC en fait probablement partie.

                  En 1723, Antoine Boucher devient gouverneur de Bourbon. Il ouvre alors les portes de la colonisation des terres du Sud de l'Île an accordant en 1726 des concessions pour planter du café, la Compagnie des Indes fournissant les esclaves en prenant la traite à son compte. Boucher accorde ainsi la première concession de l'endroit à sa belle-sœur Mme Elisabeth Gouzeronc et à son fiancé, Jean Charles FEYDEAU-DUMESNIL. Originaire de Paris, ce jeune homme issu de la noblesse est officier de marine et  avait débarqué à Bourbon en 1723, sur le vaisseau l'Atalante, où il exerçait en tant que 3e enseigne (1).  Le gouverneur Boucher avait estimé  que DUMESNIL pouvait être considéré comme un "génie universellement capable ",  et il l'avait fait entrer au Conseil Supérieur, au poste de conseiller avec charge de procureur général. En 1724, Boucher nomme Dumesnil en tant que subrécargue sur La Vierge de Grâce, vaisseau de traite vers Madagascar. Son jeune protégé ne parvient pas à négocier la reddition des pirates de Madagascar mais réussit, en moins de 6 jours, à obtenir 160 captifs pour 4 472 livres. (8) Elisabeth l'épouse à Saint Paul en janvier 1726 alors que Desforges-Boucher vient de décéder le mois précédent.

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                Mais peu après, Dumesnil est accusé par le Conseil Supérieur d'avoir détourné pour son compte 20 noirs de la traite de Madagascar, pour les placer sur son habitation. Dumas est nommé nouveau gouverneur de Bourbon et il ne semble pas porter beaucoup d'estime au gendre de son prédécesseur. Fin décembre, Dumas se plaint " de la conduite de Dumesnil: son habitation de la Rivière Saint Etienne lui paraissait d'une trop  grande étendue pour un homme seul, qui volait dans la basse cour des habitants de ce quartier en les menacant de ne pas les épargner s'ils portaient plainte contre lui."  (8)   Et le 31 décembre 1727, une lettre de cachet, signée par le Roi ordonne le transfert en France de DUMESNIL, la Compagnie des Indes ayant réclamé son renvoi. Il est difficile de préciser l'origine des différents de DUMESNIL avec la Compagnie. Selon Prosper EVE, Feydeau-Dumesnil et deux autres comparses auraient diffusé dans la Colonie des libelles diffamatoires contre le nouveau gouverneur, Benoît Dumas (2). Mais peut être que  son nom avait aussi été associé aux accusations d'enrichissement personnel portées contre  Antoine BOUCHER ? Quoique il en soit, Jean Charles FEYDEAU-DUMESNIL embarque le 8 avril 1729 sur le Mercure vers Lorient, où il sera détenu  jusqu' a fin 1729,  puis libéré avec interdiction de retourner a Bourbon.

 

                   Sa femme cependant reste sur l'île, où elle va gérer l'une des plus belles et des meilleures habitations de l'Ile (3).,  La propriété s'étend de la Rivière St Etienne au Bras de la Plaine et à la Ravine Trois Mare, en montant du bord de mer jusqu'à la Plaine des Cafres. C''est la plus grande exploitation du nouveau quartier du Sud, après celle de Desforges Boucher. En 1734, sur 4 900 arpents de terres (2 068 ha), 47 ha sont mis en valeur par  87 esclaves, dont 65 valides, Ils y cultivent d'abord du café: 5 000 des 40 000 caféiers sont en rapport; Dix sept bovins et 65 moutons y sont aussi élevés. L'année suivante, la production se développe considérablement. L'habitation compte 8 esclaves de plus, 10 000 caféiers portent des fruits rouges, 9 boeufs, 100 moutons et 6 cabris y sont recensés. Une basse cour a été créée et on y cultive désormais aussi des vivres: blé, maïs et fayots. L'emplacement de l'exploitation est situé dans les bas, sur l'autre rive de la rivière Saint Etienne par rapport au Gol; on y trouve la maison de maître et ses dépendances, dont les cases des esclaves "domestiques". L' habitation, c'est à dire l'exploitation agricole est située plus haut, en face de la pointe de l'Entre Deux. Elle aussi est jouxtée par des cases d'esclaves, construites pour certaines en bois rond ou en palmistes couchés, pour la plupart en feuilles.

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                A cette époque, comme les femmes étant considérées comme irresponsables, elles devaient toujours se trouver sous la tutelle d'un homme: leur père puis  leur mari, qui gérait leur biens pour elles. Or, comme Mme DUMESNIL se retrouve seule sur l''île Bourbon,  elle doit ruser et se fait parfois appeler "veuve Dumesnil" sur les contrats d'engagement de ses économes par exemple (4). Les veuves en effet constituaient une catégorie à part de la condition féminine. Émancipées par le mariage, elles étaient, en principe, autonomes et pouvaient gérer leurs biens et ceux de leurs enfants, Par la suite, lorsqu'en 1736, Antoine Marie DESFORGES BOUCHER, neveu de Mme DUMESNIL, la rejoint à Bourbon, il devient son procureur (au moins entre 1739 et 1744).

 

               Mme Dumesnil a des difficultésl à trouver des économes de confiance pour l'assister dans la gestion de l'exploitation. Elle engage puis congédie en effet successivement plusieurs économes: Claude POTIN en 1730, puis Denis LAMER engagé en 1733 est congédié quelques mois plus tard, Enfin, la même année,  Charles DUMESNIL engage Louis LAMOTTE à Paris et sa femme Anne BOYER, en qualité d'économe et de femme de chambre. Le couple embarque pour les Mascareignes et restera au service de Mme DUMESNIL jusqu'en 1737. (5).

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  Dernier ajout:  avril 2023

 Les attaques de marons
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Elisabeth GOUZERONC rencontre d'importantes difficultés dans la gestion de ses esclaves, surtout au cours des premières années. Nombre de ses esclaves s'enfuient dans les montagnes environnantes et  son exploitation est la cible répétée d'attaque de bandes de marrons de plus en plus meurtrières. Suite à la dégradation de leurs conditions de travail, les cas de marronnages sont en effet alors fréquents sur presque toutes les exploitations du nouveau Quartier Saint Etienne. Les esclaves du Sud sont d'abord affectés au défrichage des  nouvelles terres, travail particulièrement pénible. Les tâches liées à la culture du café sont ensuite elles aussi très exigeantes. De plus, les malgaches fraîchement débarqués dans la colonie constituent la grosse majorité des esclaves de l'habitation Dumesnil et ce sont eux qui étaient alors les principaux candidats au maronnage.

                

Le 11 septembre 1734, pour une raison inconnue, 21 esclaves de l'habitation (tous des hommes, (dont Nicolas, Théodore, Georges, Sylvestre et Ambaze) partent marrons. Ils se rendent à leur maîtresse dès le lendemain. (ADR. C° 943)

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Puis, le 28 octobre 1735, vers 8 h du soir, une troupe d'esclaves marons "armés de fusils et sagaies  garnies de fer, lesquels suivant toutes apparences avaient formé le dessein de l'assassiner" (6). attaquent l'emplacement qui contient la maison de maître de Mme Dumesnil. Les marons tuent unes esclave malgache: Cale. Ils agressent également Mme Dumesnil, et elle n'est sauvée que par l'intervention de son économe, qui la défend, aidé par ses esclaves. Danss la lutte, ils parviennent à tuer un maron, ce qui  fait fuir toute la bande. Les marons parviennent cependant à emmener avec eux deux esclaves malgaches: Fanchon et Françoise, elles aussi pièce d'Inde (entre 20 et 30 ans). Ils montent ensuite sur l'habitation Dumesnil pour y voler de la nourriture (environ 1 200 volailles, 2 cochons et des sacs de maïs et de fayots.),  quantité d'outils et un peu de vaisselle. La bande brûle 9 cases dans le camp des esclaves, avant de s'évanouir dans la nuit.

Une enquète est ouverte et, selon  des témoignages ultérieurs, le chef de la bande serait Mathieu, dont la femme Marguerite est une esclave malgache de Laurent Hoarau. Cotte, esclave malgache d'Augustin PANON, admet sous la torture avoit tué Calle, en compagnie de Saumanave et Stialakay, tous deux marons. Mme Dumesnil réclame des dédommagement à Augustin PANON, pour la dédommager des vols subis et de la perte de son esclave Calle. Mais PANON préfère abandonner son esclave qui sera pendu. Le Conseil ordonne à la Commune de payer 200 livres de dédommagement  à la demanderesse (ADR. C° 2520). La Commune est une association financée par une taxe versée par les habitants par tête d’esclave. Son role est de lutter contre le maronage en dédomageant les maîtres et les chasseurs de marons (7).

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En août 1737, Lamotte, économe sur l'habitation Dumesnil, accuse Domingue, esclave indien d'une trentaine d'année, d'avoir giflé sa femme. Or, le Conseil Supérieur absous l'esclave de cette accusation, le libère, puis le renvoie sur l'habitation Dumesnil. Domingue est donc innocenté mais se retrouve à la merci de son accusateur! On peut imaginer que la situation entre les deux hommes devait être pour le moins tendue. Peut être Domingue est-il entré en contact avec des marons auxquels il aurait demandé vengeance? En février 1738, en effet, Lamotte, "retiré depuis peu de l'habitation DUMESNIL" est tué de plusieurs coups de sagaies, lors d'une nouvelle descente de marons, sur l'habitation de Baldame de Montigny, qui est lui aussi tué dans l'attaque.

Augustin, esclave malbar de Montigny, est soumis à la torture. Accusé de complicité des deux meurtres, il est condamné à mort.

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Deux mois plus tard, le 8 avril 1738 vers midi, la grande case de Mme DUMESNIL subit une nouvelle attaque d'une bande d'environ 20 esclaves marons, armés de sagaies et de fusils. Alertés par le bruit d'un coup de fusil, les esclaves présents (Louis Lassiette, Grand René, Nicolas, Claude, Théodore et Georges, Sylvestre et une dizaine d'autres) sont en train de manger dans leurs cases , Tous sont dit  "noirs privés" c'est à dire que ce sont des esclaves qui vivent à proximité des maîtres, des domestiques. Les marons tirent des coups de fusil sur les gens de Mme Dumesnil. Le commandeur, nommé La Jeunesse, est armé et tente de répliquer, mais menacé par les tirs, il s'enfuit. Maîtres de la place, les marons tuent Dame Lorisse, la femme du nouvel économe, la dépouille de ses vêtements et la laisse nue à l'exception de ses bas. Ils tuent également des esclaves à coups de sagaies: : Rose cafrine  d'environ 25 ans et Gertrude, malgache (femme de Claude). La bande vole des vêtements, puis met le feu à divers bâtiments: un magasin, trois case d'esclave en bois rond , une cuisine, un hangar et quatre grands pilons. Trois enfants d'esclaves, deux filles de 3 et 5 ans et  un garçon de 18 mois (dont deux  enfants de Louison) sont jetés dans le feu. Tous au long des évènements d'autres esclaves "privés" appartenant à divers particuliers, sont arrivés en ordre dispersé. Certains se sont joint à la lutte contre les marons, d'autres se sont enfuis.

 

Alerté par le feu, Joseph PAYET, un habitant de 24 ans, accompagné de ses esclaves, se précipite sur les lieux. Il croise deux engagés de la Compagnie des Indes, Pierre DIJOUX, 33 ans, tonnelier et Pierre Rialan, forgeron, qui le suivent à cheval. Tous les trois sont armés de fusils lorsqu'ils se joignent aux combats. A leur arrivée, beaucoup d'esclaves enfuis reviennent pour combattre. Joseph PAYET cherche à leur donner du courage en leur disant : « allons mes enfants, chauffe toujours ! ». Un esclave privé sonne de l'ancive et dit : « Voila les blancs ! Fonçons sur les marons !" . PAYET blesse un maron d'un coup de fusil à l'épaule, mais celui-ci parvient néanmoins à s'enfuir avec les autres attaquants, qui abandonnent sur place les ballots qu'ils avaient préparés.

 

Vers 13h, les frères Paul, Joseph et Joachim HOARAU accompagnés des frères Jacques et Gilles FONTAINE, tous habitants, entre 20 et 30 ans, voient du feu et entendent du bruit sur l'emplacement Dumesnil. Ils se rapprochent et aperçoivent un groupe d'esclaves "privés" suivis de Joseph Payet,  tous poursuivant des noirs marons. Eux aussi se lancent à la poursuite des fugitifs, sans pouvoir cependant les rattraper. Entretemps, quatre esclaves Dumesnil ont porté une jeune esclave chez le chirurgien BARET Julien. Le chirurgien se rend à son tour sur les lieux, afin d'examiner le cadavere de Dame LORISSE.

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Mais les marons ont pris trop d'avance, les habitants et les esclaves abandonnent la poursuite. Tous retournent sur l'emplacement Dumesnil où ils trouvent quatre marons étendus morts, les poignets coupés dont un nommé René, appartenant à M r . Saint-Lambert, et l'autre  nommé Jean, appartenant à M r . Dutrévou. Les corps portent des blessures consécutives à des coups de sagaies et les esclaves  sur place affirment avoir tué les quatre marons, puis leur avoir coupé les poignets pour obtenir une récompense. Joseph Payet pense cependant en avoir également tué au moins un d'entre eux avec son fusil et souhaiterai lui aussi avoir en conséquence une récompense.

 

 A la requête de Joseph PAYET, une enquète est ouverte pour déterminer si les cadavres portaient des blessures par balle. Les enquèteurs interrogent tout le monde, libres et esclaves; ils s'efforcent aussi de déterminer ce que sont devenus les fusils des marons, et leur nombre exact, afin de s'assurer qu'aucun des esclaves n'ai conserve un fusil abandonné.

 

Les esclaves qui ont participé à la lutte contre les marons sont:

  • Des esclaves privés de Mme Dumesnil et de Joseph Payet.

  • Des eslaves de André GIRARD, 7 ou 5  esclaves dont Mathieu, André, Michel, Jacques et Martin.

  • Des esclaves de  Saint-Lambert, 6 dont René.

  • Des esclaves des héritiers Pierre Mussard, dont François.

  • Un esclaves de. Wilhem LEICHNIG, Cupidon,.

  • Des esclaves de. Morel, Conseiller, environ 20 esclaves.

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Tous ces esclaves, sont dit "privés", ce sont souvent des domestiques de confiance, qui vivent près de leurs maîtres. On notera que certains d'entre eux sont armés de sagaies et qu'ils semblent jouir d'une certaine liberté de mouvement.

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Suite à ces événements, il semble que Elisabeth Gouzeronc ait cherché à se mettre en sécurité sur la propriété de son neveu, Antoine Marie DESFORGES-BOUCHER, chez qui elle possède une chambre réservée au château du Gol.

Antoine Marie et Elisabeth s'entraident aussi dans la gestion de leurs exploitations: ils se partagent des artisans et les esclaves de l'une sont régulièrement appelés à être parrains des enfants d'esclaves de l'autre habitation. En 1740, Mme Dumesnil embauche un nouvel économe, BONGOUR; puis en 1742 c'est Louis MONDON qui occupe cette fonction. Tous deux font partie des artisans que Antoine Marie DESFORGES-BOUCHER a engagé en France, et a ramené avec lui à Bourbon.

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En 1744, Mme GOUZERONC revend tous les biens qu'elle possédait encore à Saint Paul, soit "un emplacement sur les Sables à Saint-Paul, et douze esclaves pièces d’Inde". Antoine Marie DESFORGES-BOUCHER est son procureur lors de la transaction.

L'époux de Mme Dumesnil réside alors à Paris. Le 12 décembre 1747, il envoie une lettre au Conseil Supérieur pour que l'on informe sa femme du déces de leur fille unique. Il lui demande aussi de vendre tous ses biens a Bourbon pour venir le rejoindre en France. Mme DUMESNIL n'en tient pas compte et Jean Charles FEYDEAU-DUMESNIL. décède à Paris en 1857, sans avoir revu sa femme. (6).

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En 1759, Antoine Marie DESFORGES-BOUCHER devient gouverneur de Bourbon et de l'Ile de France, d'abord pour la Compagnie des Indes puis pour le Roi. Il séjourne alors à l'Ile de France et Mme GOUZERONC l'accompagne probablement. Elle décède à Port Louis, Ile de France, en 1761, à l'âge de 61 ans.

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attaques de marons

SOURCES

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  • .(1) Mémoire des Hommes - Equipages et passagers de la Compagnie des Indes -L'Atalante

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  • (2) Prosper Eve -  La société sur l’île Bourbon  , Texte publié sur le site du CRESOI, page 12 

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  • (3).Robert BOUSQUET - Des esclaves et leurs maîtres à Bourbon au temps de la compagnie des Indes 1665-1767 - Livre 2, chap 1, page 26 du pdf

 

  • Recensement 1734, ADR

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  • (4) Robert BOUSQUET - Des esclaves et leurs maîtres à Bourbon au temps de la compagnie des Indes 1665-1767 - Livre 2, chap 3, page 45 du pdf

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  • (5) Robert BOUSQUET - Des esclaves et leurs maîtres à Bourbon au temps de la compagnie des Indes 1665-1767 - Livre 2, chap 3, pages 7 et suivantes du pdf

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    Cote : AN Y

    Scellés apposés par des commissaires au Châtelet - index (FEUG-GLOS

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  • Robert BOUSQUET - Des esclaves et leurs maîtres à Bourbon au temps de la compagnie des Indes 1665-1767 - Livre 2, chap 3, page 49 du pdf

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  • La majorité des actes d'état civil des esclaves de l'habitation Dumesnil sont déclarés à Saint Pierre, seuls quelques actes figurent à Saint Louis, entre 1748 et 1758.

 

Bongour
sources
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