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Généalogie esclaves Réunion: xavier

XAVIER et JEANNE 1676-1767

Jacques Auber arrive à Bourbon en 1689, employé par la Compagnie des Indes en tant que menuisier. Après avoir rempli son contrat, il choisit de s’installer dans l’Île et obtient une concession à Saint Paul. Son exploitation est prospère, et au bout de quelques années seulement, Jacques est devenu suffisamment riche pour être admis dans le cercle envié des petits notables : en 1716, il est nommé Capitaine de quartier et en 1745, il occupe un siège de Conseiller honoraire de Bourbon. Ses deux fils, Pierre et Jacques possèdent eux aussi des terrains d’habitation à St Paul.

      Les exploitations de la famille Auber se calquent sur le modèle que l’on rencontre le plus souvent aux Mascareignes au début du 18e siècle : chaque propriétaire vit dans une habitation isolée, entouré par une troupe d’esclave à son service. La Compagnie des Indes cède la concession des terrains d’habitation aux colons, c’est elle qui leur fournit également les esclaves utilisés pour la mise en valeur des terres. Les colons poursuivent ensuite une politique d’achat de terrains pour agrandir ou diversifier leurs habitations. Vers 1745, Jacques Auber père possède 55 esclaves, La veuve de Pierre Auber en emploie 67 sur une habitation au lieu dit La Petite Ravine, à Saint Paul.

 

     En 1716, Pierre Auber fait baptiser Joseph, fils de Xavier et de Jeanne, ses esclaves nés en Inde. Depuis 1703, la Compagnie autorise l’importation d’esclaves indiens et pendant une vingtaine d’années, une moyenne de 30 esclaves par an sont chargés sur les vaisseaux en provenance de l’Inde, à destination de Bourbon.

     Dans les Indes britanniques, la servitude pour dettes a pris le pas sur toutes les autres formes de travail forcé. A chaque nouvelle disette, les ports du continent indien sont assaillis par des vagues de miséreux, où les jeunes et les adultes se vendaient eux même sur de sinistres marchés aux esclaves..  Les princes indiens s’entouraient alors d’esclaves de toutes castes, mais ceux qui étaient exportés par les Européens étaient presque tous issus des castes de Pariahs. Car, comme le souligne Robert Bousquet : « Au 18e siècle, il est certain que, du fait de leur mode de vie, Les Européens en Inde ne pouvaient âtre servis que par des Pariahs, ce qui les isolait de l’ensemble de la société hindoue – y compris des castes artisanales (Shudra) – qui les regardaient « comme des Barbares, tout à fait étrangers aux principes de l’honneur, de civilité et de bonne éducation ». (1)

Le commerce d'esclave aux Indes était aussi alimenté par le rapt d’enfants et d’adultes, ainsi que par les cas d’Indiens accusés de crimes, jugés et condamnés au bannissement. (1 bis)

 

     Probablement arrivés à Bourbon vers 1710, Xavier et Jeanne ont environ 30 ans lorsque leur maître (Jacques Auber, père de Pierre?) les fait baptiser avant de célébrer leur mariage. On peut imaginer que, à l’instar de beaucoup d’esclaves indiens, Xavier est un esclave « à talent », peut être un menuisier formé par Jacques. En effet, "les européens en Inde s’émerveillaient de la façon de travailler des artisans locaux. (...) Et la Compagnie des Indes estimait au plus haut point les esclaves artisans de cette nation, que formaient, au besoin, ses maîtres ouvriers. » (1) A la Réunion, les maîtres réservaient ensuite généralement un traitement privilégié à ces esclaves, dont ils utilisaient les « talents » : mariés officiellement, les esclaves-artisans disposaient d’une case familiale et leurs enfants étaient baptisés, parfois avec des parrains et marraines blancs. 

     Sur l’habitation de Pierre Auber, Jeanne met au monde au moins quatre enfants: Joseph et trois filles, Marie Jeanne, Scolastique et Claire. Si Joseph est déclaré célibataire à l’âge de 40 ans, les filles sont elles mariés très jeunes, stratégie qui permettait aux maîtres de favoriser la naissance de nouveaux esclaves. Scolastique est à peine pubère, elle n’a que 13 ans lorsque son maître choisit de lui faire épouser Charles, esclave malgache du même âge. L’année suivante, c’est Marie Jeanne, 16 ans, qui est menée à l’église pour se marier avec Manuel, caffre de 35 ans environ. Claire, la dernière fille épouse Paul, un esclave créole de Pierre Auber. Trois générations sont alors réunies sur l’habitation de Saint Paul : Xavier et Jeanne voient naître et grandir au moins dix de leurs petits enfants, situation qui selon Robert Bousquet est particulière à ce « type d’habitation stable, gouvernée par un maître ou sa veuve », où l’on recense « des familles d’esclaves bien établies ainsi que des règles et des coutumes bien intériorisées».(2)

     Mais Boubon est alors déchirée par une guerre féroce entre les maîtres et les esclaves marons, qui ont fuit leur servitude pour se réfugier dans les hauts de l’ïle. Une nuit d’été, la dernière nuit du mois de janvier 1744, les esclaves de l’habitation de la Petite Ravine sont tirés de leur sommeil par l’attaque d’environ douze marrons. Les assaillants mettent le feu à la case des esclaves-gardiens, blessent le gardien d’un coup de lance et s’emparent de sa femme, Ignace, une malgache d’environ 35 ans. Ils volent aussi 70 volailles « tant poules que coqs et chapons » et une marmite en fer. Les conditions de vie sont en effet particulièrement rudes dans les hauts de l’île et les marons manquent de tout : nourriture, ustensiles de cuisine, outils et ... femmes. Ignace sera cependant retrouvée, peut être par des chasseurs d’esclaves car deux ans plus tard, elle vit à nouveau sur l’habitation, en compagnie de son mari, le gardien. (3)

  Dernier ajout:  décembre 2022

SOURCES

  • (1) Robert Bousquet - Des esclaves et leurs maîtres à Bourbon au temps de la compagnie des Indes 1665-1767; 2011 : Livre 1 chap3: la traite indienne, p42-43

  • (2) Robert Bousquet - Des esclaves et leurs maîtres à Bourbon au temps de la compagnie des Indes 1665-1767; 2011 : Livre 4 chap 7: Succession AUBER Pierre en 1760, p 40

  • (3) Robert Bousquet : La destruction des noirs marrons de Bourbon sous la régie de la Compagnie des Indes. 1734-1767; 2011: . Livre 1., ADR C 987, p 9

 

     Pierre Auber meurt prématurément au cours de la terrible épidémie de variole de 1729. Il est déclaré décédé à l’âge de 31 ans, au quartier de la Rivière d'Abord, probablement sur la concession qu'il vient d'obtenir à Saint Louis, Sa veuve Françoise née Folio a 29 ans et cinq enfants; elle choisit de ne pas se remarier; et se consacre à la gestion de ses deux habitations de Saint Paul et de Saint Louis. A la majorité du premier fils de Françoise, en 1746, on procède à l’inventaire de la succession de Pierre Auber (2). Les 67 esclaves sont alors majoritairement partagés entre Françoise et ses enfants, les autres, surtout des célibataires, sont mis à la vente par lots,. Dans les premiers temps de la régie de la Compagnie des Indes, les familles conjugales ou maternelles n’étaient en général pas séparées, ni vendues à des étrangers, surtout lorsque les enfants étaient encore en bas-âge. La famille de Xavier est particulièrement bien lotie : les grands parents, qui ont alors plus de 70 ans, restent avec tous leurs descendants sur l’habitation de la Veuve, à Saint Paul. Seul Joseph, le fils de Xavier est attribué à Augustin Aubert, fils du défunt Pierre.

 

     En 1751, la veuve décide cependant d’affecter la fille de Xavier, Marie-Jeanne, son mari et leurs cinq enfants à l’habitation de Saint Louis. Le couple s'installe dans le Sud pour de nombreuses années : Marie Jeanne y met au monde encore trois enfants et Manuel, son mari y décède à l’âge d’environ 90 ans. Les routes sont difficilement praticables entre Saint Paul et Saint Louis et Marie Jeanne perd certainement de vue ses parents et ses sœurs restés dans l'Ouest. On peut seulement espérer qu’elle en ait reçut quelques nouvelles épisodiques, à l'occasion de visites de la famille Auber.

 

     C’est sur l’habitation de Saint Louis que Pauline, la fille de Marie Jeanne épouse Claude, un esclave créole qui est né lui aussi sur l’habitation de Saint Paul, mais dont la famille a davantage souffert du partage de la succession Auber. Claude, son père et sa mère Suzanne, étaient en effet restés sur la propriété de la Veuve alors que les enfants issus du premier mariage de Suzanne avaient été dispersés entre les héritiers, ou même vendus dans un lot. Claude avait alors 14 ans, ses demi-frères étaient âgés de 17 et 27 ans

     Claude et Marie Jeanne ont au moins un fils, Théodore, né à Saint Louis en 1767. La Veuve Auber décède à Saint Paul en 1787. Je n’ai malheureusement pas pu retrouver ce qu’il est advenu ensuite de ses esclaves.

 

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