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Les enfants de Antoine Paul NAIRAC

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En 1859, après le décès de Paul NAIRAC père, la Guerre de Sept ans ralentit fortement les échanges commerciaux. Les frères Nairac en profitent pour élargir leurs réseaux. Leur cousin  Philippe NAIRAC, armateur, négociant et banquier est allé s'installer en Hollande l'année précédente. Peu après, les enfants de Paul, contractent tous des mariages d'affaire. En 1860, Pierre Paul épouse la fille du négociant suisse Jean Rodolphe WETTER. La même année, Henry se rend à Dublin, où lie son destin à celui de Anne, Comtesse de O'CONNOR. L'année suivante, Jean Baptiste épouse la fille de Claude Etienne BELIN, négociant et armateur à La Rochelle, et Elisée se marie avec la fille d'un marchand de Bordeaux, Etienne DENIS. Le choix des partenaires matrimoniaux des fils Nairac est stratégique car il reflète la structure commerciale des échanges commerciaux du port de Bordeaux. Dublin tient, par exemple, la première place dans les échanges de Bordeaux avec les Iles britanniques, basée sur le commerce du vin et des eaux de vie et sur l'importation de viandes salées destinées principalement aux colonies. La Hollande est une charnière dans la redistribution des exportations bordelaise vers les espaces septentrionaux. et la Suisse importe de Bordeaux la plupart de ses produits coloniaux. (2) page 64

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La traite atlantique

Jean Baptiste Nairac crée sa propre maison de commerce et d'armement à La Rochelle et, en 1863, il arme son premier navire de traite, L'année suivante c'est un navire de la maison Paul Nairac et fils Aîné, qui est armé à Bordeaux. Nommé Liberté (sic...), ce navire déporte "environ 500 noirs" de Principe vers Port aux Princes. Le navire fait naufrage au retour.

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La maison Paul Nairac et fils Aïné réunit les deux premiers frères, Pierre Paul et Elisée. Certaines sources indiquent Laurent Paul, fils de Pierre Paul comme partenaire dans la compagnie, ce qui semble peu probable car lors de la première expédition de traite en 1864, Laurent Paul n'a que 1 an...). Il me semble plus crédible que le "Paul Nairac" de l'intitulé de leur maison désigne leur défunt père, d'autant qu'en 1786: Pierre Paul Nairac signe ses lettres "Paul l'Ainé". (12) vue 60   Peut être dans ce cas, que feu Paul Nairac serait représenté dans la compagnie par sa femme, Suzanne Marguerite Roullaud? Issue d'une famille de négociant, elle en avait probablement les compétences. Quoi qu'il en soit, Marguerite occupe assurément une place importante auprès de ses fils: Jean Baptiste baptise son premier bateau de traite des prénoms de sa mère: le Suzanne Marguerite et en 1870. elle a 67 ans lorsqu'elle embarque avec son fils Henry Paul vers l'Île de France.


Dans la seconde moitié du 18e siècle, les Nairac multiplient les expéditions de traite, en sus de leurs opérations de commerce "en droiture'. Un navire affecté au "commerce triangulaire" se rend d’abord en Afrique pour y charger sa cargaison de captifs, qu’il échange contre des textiles bruts et finis, des armes à feu, de l’alcool, de la quincaillerie et des cottonades. Sur place, le navire est transformé: un pont y est ajouté, de façon à pouvoir accueillir le plus grand nombre de captifs. Le vaisseau fait ensuite voile vers les Antilles et y vend sa marchandise humaine. L’argent gagné permet alors au capitaine d’armer d’un à quatre navires en droiture, qui expédient à la métropole du sucre, du café ou de l’indigo.
 

Entre 1763 et 1777, Jean Baptiste Nairac monte ainsi au moins 17 expéditions au départ de la Rochelle, expéditions qui déportent plus de 5 000 personnes vers les Antilles. (4)  A Bordeaux, ses frères ont persévéré eux aussi, en dépit des mésaventures de leur premier navire de traite. A partir de 1764, et jusqu'en 1789,  Nairac Paul et fils Aîné arment 20 vaisseaux qui, pour la plupart, chargent des captifs en Angole, puis à partir de 1777 en Côte d'Or. (4)  Ils transportent au moins 5500 captifs vers l'ïle de Saint Domingue, qui est un foyer majeur de l'esclavage dans ses plantations de café ou de canne à sucre. La maison de négoce: Nairac Paul et fils Aîné,  est dans la seconde moitié du 18e siècle, la première maison d'armement négrier à Bordeaux. "En 1777, la maison Paul Nairac & Fils Aîné est la plus imposée de Bordeaux avec une capitation s'élevant à 600 livres, et même à près de 700 livres si l'on ajoute la capitation payée au titre de raffineur: " Car Paul NAIRAC possède aussi deux raffineries à sucre, situées au quartier Sainte-Croix. (5)

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Les Nairac choisissent d'investir une partie de leur considérable fortune dans la pierre, alliant une politique de prestige à la sécurité de la propriété foncière. En 1775, Pierre Paul fait construire par un architecte renommé un hôtel particulier à Bordeaux sur le Cours de Verdun, entre les quartiers de la Sainte Croix et des Chartrons. Elisée achète un vignoble à Barzac et y construit un château. A la même époque, leur frère Henry construit une maison de maître à l'île Bourbon (actuelle Maison Adam de Villiers, au 21 rue rue Marius et Ary Leblond, .Saint Pierre) Car la famille investit également dans des habitations dans les colonies. Henry achète une habitation au Tampon et en 1789, Jean Baptiste Nairac et sa sœur Julie, épouse De la Douespe du Fougerais  possèdent chacun une sucrerie à Saint Domingue  (17)

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Pour afficher leur prospérité et affirmer leur place parmi les élites locales, les Nairac rêvent désormais de noblesse. Le roi Louis XV, par un arrêt du Conseil du 30 octobre 1767 avait décidé d'accorder cette faveur aux négociants les plus méritants. (19) Depuis les lettres patentes de 1713, la royauté n'a en effet jamais cessé d'encourager le trafic négrier par des primes et incitations diverses. Pour avoir pratiqué la traite, Jean Baptiste Nairac est anobli vers 1776  (12) vues 22, 28 à 41  Par contre les demandes de Pierre-Paul Nairac et de Elisée, même appuyées en 1775 par le ministre de la marine, Antoine de Sartine, seront refusées en raison de leur religion protestante (20) p 17.

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Le commerce vers l'Océan Indien

Il semble que les Nairac aient, par ailleurs, aussi tenté de se lancer dans le commerce vers l'Orient. Depuis 1769, en effet, la suppression du monopole de la Compagnie des Indes ouvre le commerce avec les Mascareignes et l'Orient aux négociants privés. L'année suivante, Henry Paul NAIRAC se rend en Ile de France, puis à Bourbon, où il occupe le poste de garde-magasin pour le Roi. Mais la guerre d'indépendance des Amériques éclate en 1775; elle provoque un fort ralentissement des échanges et le commerce vers l'Océan Indien ne devient véritablement important à Bordeaux qu'après 1783. (18)

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Lors de la seconde expédition de Chine, initiée par le roi Louis XVI en 1783, des la signature des préliminaires de paix,. Paul Nairac est l'un des deux députés qui représentent les actionnaires qui financent l'expédition. Au printemps 1783, trois navires prêtés par le roi quittent la France pour la Chine. Arrivés à Canton, ils échangent du plomb, des tissus et surtout des piastres contre de la soie, de la porcelaine et du thé. Repartie en janvier 1784, l’expédition rentra à Lorient au cours de l’été;  la remise des fonds est attribuée à Paul Nairac et Cie de Bordeaux. (12)

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C'est aussi à cette époque que la côte occidentale de l'Afrique et en particulier le Mozambique devient une nouvelle zone de traite pour les armateurs de Bordeaux. La destination est plus lointaine mais la concurrence y est moindre et les coûts des captifs y sont moins élevés, Les hommes et les femmes capturés sont revendus comme esclaves dans les Mascareignes, mais aussi jusqu'aux Antilles. Je n'ai pas trouvé, dans le répertoire des opérations de traite de Mettas (t18) , d'expéditions montée par les Nairac vers cette destination, mais il est certain qu'ils ont au moins tenté d'armer des navires de traite vers l'Afrique de l'Ouest. En 1785, Alexandre Nairac envoie par courrier une demande pour effectuer une opération de traite au Mozambique  (12) vue 25. L'année suivante, Paul NAIRAC demande une prime (qui ne lui sera pas accordée) pour envoyer un navire de 900 tonneaux au Mozambique 12) vue 57.

​Si il n'est pas certain que les Nairac aient réellement engagé des navires de traite en Afrique de l'Ouest, le commerce de la Compagnie Paul NAIRAC avec les Mascareignes est quant à lui bien avéré. En 1785, en effet, le roi crée une nouvelle Compagnie des Indes, avec un monopole limité à l'Inde et à la Chine. Haudrère montre comment cette décision "conduit les armateurs français à se détourner de l'Inde et de la Chine, et à se contenter d'aller aux Mascareignes; ainsi, elle a entrainé un développement des relations entre les îles et la métropole. Les ports de l'île de France et ceux de Bourbon sont librement ouvert à tous les navires français et ceux-ci viennent y chercher les produits d'Asie, apportés par le commerce d'Inde en Inde.(29) p 92  En 1788 Paul NAIRAC, dans une lettre de réclamation à la Compagnie, demande l'autorisation de retirer, de son navire à l'Île de France, 4000 pièces de guinées bleues (cotonnades indiennes qui servaient de monnaie d'échange dans la traite des esclaves) . (12) vue 54

 

 

La période révolutionnaire

Depuis au moins 1775, Paul (et/ou Elisée?) participe aux travaux de la Chambre de commerce de Guyenne (11) page 84, mais c'est véritablement à partir de 1789 que, comme beaucoup de négociants aux idées libérales, les Nairac s'investissent réellement en politique. Aux Etats-Généraux, Pierre Paul est député du tiers par la sénéchaussée de Bordeaux (6)  Il s'installe à Paris et c'est par ses lettres, que la ville de Bordeaux apprendra la prise de la Bastille, puis la fuite et l'arrestation du roi. (2) vue 567  A l'Assemblée constituante, Pierre Paul Nairac argumente pour la liberté commerciale aux Indes, mais il refuse la liberté commerciale aux colons (abandon de l'Exclusif). Et surtout, il s'oppose à ceux qui voudraient mettre fin à la traite et à l'esclavage.. A Bordeaux, les Nairac créent avec David Gradis une société locale: le Comité Américain. Liée au club de Massiac , qui défend les intérêts des planteurs auprès des assemblées parisiennes, cette société réunit des négociants, des capitaines de navires et des propriétaires dans les colonies. Elle collecte plus de 200 signatures qui défendent la traite et l'esclavage  (2) vue 557

La même année, Jean-Baptiste Nairac représente La Rochelle à côté d'autres députés de Nantes, de Marseille et du Havre, afin de plaider la défense de la traite auprès des ministres, mais aucun de ceux-ci ne les recevront. (7)

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En 1793, leur beau-frère De la Douespe du Fougerais prend les armes en Vendée où il sera fusillé par les armées révolutionnaires l'année suivante. Paul Nairac revend son hôtel particulier dès 1792  et  la plupart des membres de la famille Nairac vont s'expatrier lors de la Terreur vers les Pays-Bas, tout d'abord, puis vers l'Île Maurice. SOURCE???

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La révolution met fin à leur carrière de négrier. Seul Elie Elisée, fils Elisée, reprend d'éphémères activités de traite lors de la reprise des années 1802-1804, (21)  Jean Baptiste Nairac entame une carrière politique, en tant que député, entre 1797 et 1803 (10)

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  Dernier ajout: mai 2023 

Antoine Paul NAIRAC 1695-1759

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Antoine Paul naît en 1695, dans une famille protestante à Gijounet dans le Tarn. Son père Jean est armurier, issu d'une lignée de forgerons(1)

 

Dès 1720, Paul a 25 ans lorsqu'il s'installe à Bordeaux, dans le faubourg de Sainte-Croix, le quartier des artisans. Il y rejoint une active communauté protestante. En effet, depuis 1685, "la religion protestante est devenue clandestine dans le royaume de France". Mais à Bordeaux, "comme dans les grands centres portuaires du royaume, les protestants locaux bénéficient de la tolérance accordée aux communautés étrangères qui peuvent pratiquer leur culte dans la sphère privée et la répression par le pouvoir y est moins sévère." (2) p256   Mais si rejoint Paul ce port alors en plein essor, c'est probablement moins pour bénéficier de sa tolérance religieuse que pour s'initier au commerce. Au cours du 18e siècle, Bordeaux connaît en effet un formidable développement du commerce colonial, lié à sa position stratégique. La richesse de son arrière pays, lui fournit la base des provisions nécessaires à la vie des plantations et d'autre part, ses relations traditionnelles liées au commerce du vin, avec la Hollande et les pays du Nord de l'Europe lui permet de maîtriser les marchés de redistribution des produits coloniaux. A son arrivée dans la ville, Paul bénéficie probablement de l'appui et des conseils de son cousin, Philippe NAIRAC, venu dès 1695 de Castres et qui exerce les triples fonctions d'armateur, de négociant, et de banquier à Bordeaux.

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En 1823, Paul renforce son réseau professionnel par un mariage avec Suzanne ROULLAUD, fille d'un important négociant à la Rochelle, qui commerce avec les Antilles et le Canada (3)  Paul apprends vite et, profitant du boom commercial si rapide de Bordeaux dans les années 1730, il crée une affaire de négoce et d’exportation de vin. Il diversifie de plus ses activités et fonde une raffinerie qui lui permet de traiter le sucre brut importé des colonies antillaises. (5)  Les affaires sont florissantes et, vers 1740, la fortune de Paul Nairac est estimée à deux millions de livres  (11) page 61

 

Il décide alors de tenter sa chance dans la traite et arme son premier navire négrier. Car, comme le note Eric SAUGERA, "la fortune bordelaise (issue du commerce colonial) peut être considérée comme le moteur de son activité négrière (...) Il ne faut pas oublier que le montage financier d'une expédition négrière ne présente qu'un lointain rapport avec celui d'une expédition en droiture. La mise de fonds engagée, de plusieurs fois supérieure, est rarement l'affaire d'un seul homme (sauf pour les Nairac). Le voyage est plus long, l'équipage plus nombreux, l'avitaillement est plus important, les marchandises de traite souvent importées, les assurances et les prêts plus chers. Par ailleurs, les sommes investies sur une courte périodes ne sont récupérées et ne rapportent des bénéfices (quand tout se passe bien) qu'après un laps de temps allant souvent de 12 voire 18 mois et plus. Il faut donc avoir les reins financièrement solides pour supporter une longue et incertaine immobilisation du capital."  (11) page 61  Le 30 novembre 1740, le Phoenix, navire de Paul NAIRAC quitte Bordeaux pour la Guinée, où il charge des captifs pour les revendre à Saint Domingue. Le navire revient à Bordeaux le 27 septembre 1742. (4)  Il semble que ce soit la seule expédition de traite menée par Paul NAIRAC, ce sont surtout ses fils qui développeront cette activité.  

 

Vers 1750, les fils de son frère aîné Pierre, viennent s'installer également à Bordeaux; le clan des Nairac se renforce et multiplie les réseaux. Mais advient la  guerre de Sept Ans, qui est un véritable désastre pour le commerce colonial: entre 1755 et 1762, la marine anglaise dévaste les vaisseaux français.

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Paul décède à Bordeaux en 1759, à l'âge de 64 ans.
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Henry Paul NAIRAC 1736-1816

Vers 1760, Henry Paul Nairac a 24 ans lorsqu'il quitte Bordeaux pour épouser Anne O'CONNOR comtesse à Dublin. Il n'était pas rare en effet, qu'à cette époque des familles nobles mais désargentées se résignent à donner la main de leur fille à un riche roturier. Le mariage est avantageux aussi pour les Nairac, qui outre le prestige d'une alliance avec la noblesse locale, prennent ainsi pied sur le sol d'Irlande, place commerciale stratégique pour l'importation de viandes salées destinées aux colonies.  (2) page 64  On ne sait si le mariage a été heureux, mais leur vie commune a été relativement courte. Henry et Anne ont deux enfants, en 1761 et 1763, puis dès 1870, il laisse sa femme et ses enfants dans les îles brittaniques et embarque à La Rochelle, pour l'Île de France. Il voyage sur le Brisson, accompagné de sa mère, et déclare être fils de négociant (22)  , ce qui est assez étrange car son père est décédé depuis plus de 10 ans. Pourquoi ne déclare t-il pas être négociant lui même? Peut être existe-il un conflit d’intérêt avec le poste de garde-magasin pour le Roi qu'il a obtenu à l'Île Bourbon? Henry Paul s'installe à Saint Pierre, dans le Sud de l'Île Bourbon. Suzanne ROULLAND, sa mère ne reste pas longtemps dans les Îles. Peut être la mère et le fils ont-ils eu des différents, car en 1775 Suzanne décède à Bordeaux,  en deshéritant Henry pour ses enfants. (20) 

 

A Saint Pierre entre 1870 et 1879, Henry NAIRAC occupe le poste de garde magasin du Roi. Cette était très enviée car elle permettait de s'enrichir. Le garde magasin pouvait en effet jouer un rôle de banquier auprès des habitants en leur avançant certaines marchandises. Henry Paul acquiert aussi au moins deux habitations, l'une située dans les Hauts de Saint Pierre (actuel Tampon) (1) et l'autre à Ravine Blanche (27) Il investit énormément dans ses domaines agricoles qui recensent 180 esclaves à Saint Pierre en 1779,  puis 400 esclaves une dizaine d'années plus tard. Ce qui est considérable lorsqu'on sait que, à cette époque, "seuls 2,11 % des planteurs possédaient plus de 100 esclaves." (13)

 

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Dès les premières années de son arrivée à Bourbon, Henry Paul Nairac s'impose donc parmi les élites de l'Île. Comme ses frères à Bordeaux, il matérialise sa réussite économique et sociale par la construction d'une maison prestigieuse dans le centre de Saint Pierre (actuelle Maison Adam de Villiers, au 21 rue rue Marius et Ary Leblond). (15)  

 

Pour favoriser son  intégration sociale et professionnelle au sein des élites du négoce et de la haute société bourbonnaise, Henry sait aussi comment utiliser les réseaux de la franc-maçonnerie. Il a d'abord été initié une loge à Bordeaux (16) page 19, puis il est enregistré parmi les premiers frères inscrits à la Loge "La Parfaite Harmonie", crée en 1777 à St Denis (13)

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Au siècle des Lumières, les réseaux maçonniques, familiaux et commerçants s'entrecroisent et se renforcent mutuellement. La famille Nairac l'a bien compris et quatre au moins des frères Nairac sont membres de la franc-maçonnerie bordelaise: Pierre (9) , Elisée (8), Henry et Elie (16) page 19 .Sans surprise, ils intègrent  la loge « L'Amitié »,  qui est "la" loge maçonnique pour le monde de la mer et du négoce à Bordeaux (2) p55    Installée au cœur du faubourg négociant des Chartrons, L'Amitié compte parmi ses membres les plus grands noms du négoce bordelais, français et des membres éminents des colonies étrangères installées dans le port girondin. Dans sa thèse sur la franc-maçonnerie à Bordeaux au 18e siècle, Laurence CROS relève que  "La présence du commerce triangulaire dans la maçonnerie ne fait pas de doute"; en effet, les deux tiers des négociants ou capitaines de navire liés à la traite se retrouvent dans l'Amitié 2) p548   Car la franc-maçonnerie fonctionne comme un puissant réseau d'intégration sociale et professionnelle, particulièrement important pour les négociants. "La franc-maconnerie a une fonction d'intégration importante: elle amène des étrangers dans le temple et les transforme en frères (...°) La fraternité exprimée incite ses membres à la mobilité: les membres seront toujours accueillis par leurs frères, aucun franc-maçon n'est un étranger" (2) page 349 et 351  Pour  fluidifier les voyages, les loges mettent en place différentes pratiques pour le départ et l'accueil: avant le départ en voyage d'un frère, son initiation à des grades supérieurs est parfois accélérée, ce qui lui permet d'obtenir un certificat maçonnique. "Le certificat, demandé par les frères avant de partir en voyage, apparaît comme un sésame pour entrer dans les loges maçonniques que le voyageur peut rencontrer au cours de ses pérégrinations. Ce certificat connaît un véritable succès au cours du siècle, comme le montre la multiplication des demandes(2) page 435

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Mais revenons à Bourbon, où au recensement de 1779, Henry NAIRAC déclare résider seul à Saint Pierre. Ses deux enfants sont probablement restés auprès de leur mère, à Dublin., où sa fille Suzanne épouse en 1780 un officier, noble et irlandais .

Son fils Richard Henry le rejoint peu après à Bourbon, car en 1785 il épouse à Saint Denis Marianne Barbe de LANUX. Installée à Bourbon depuis trois générations, la famille de Lanux est issue de la noblesse "de plume" parisienne. Jean Baptiste, le grand père de Marianne Barbe est recruté par la Compagnie des Indes. Il acquiert d'abord une habitation à Saint Benoît, puis il  fait un voyage en Inde et deux expéditions de traite négrière à Madagascar. Les employés de la Compagnie étaient en effet autorisés à effectuer à titre personnel du commerce d'Indes en Indes. De retour à Bourbon, Jean Baptiste s'est suffisamment enrichi pour acheter une belle habitation à Saint Paul, qui deviendra le fief  de la famille de Lanux (23) . Hilarion, le père de Barbe est notaire et conseiller au Conseil Supérieur. Pierre Dejean, le grand père maternel de Barbe était lui aussi employé par la Compagnie, conseiller au Conseil Supérieur. et commandant des quartiers de Saint Pierre et de Saint Louis. Avec ce mariage, Henry ancre donc sa famille dans les élites locales de l'ïle et, s'il ne se mêle pas encore de politique, il dispose de solides soutiens familiaux au sein du Conseil Supérieur de l'Île.

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En 1785: Henry n'est déjà plus garde-magasin et, en sus de la gestion de ses habitations, il se consacre probablement à des activités de négoce. C'est en effet par le second mariage de sa fille, qu' il consolide ses liens avec les milieux du négoce de l'Île de France. Suzanne Nairac est veuve depuis 1782 lorsqu'elle rejoint à son tour son père à Bourbon, peut être après le décès de sa mère en 1787. Suzanne épouse à Saint Pierre en 1788, Henry Marie Salaun de Kerbalanec, un noble breton dont le père est Receveur des fouages du diocèse de Tréguier. Kerbalanec a d'abord entamé une carrière militaire en tant qu'officier garde-côtes en Bretagne, puis il s'est rendu en Île de France où il est installé en tant que négociant depuis 1779. Il obtient la faveur d'y être nommé capitaine à la suite des troupes des colonies (24) . Le mariage a lieu à Bourbon, mais le couple s'installe à Port Louis, en Île de France.

En mars 1917, Auguste Billiard rend visite "à M. Kerbalanec, l'un des principaux négociants de Port Louis, auquel j'étais particulièrement recommandé". Billiard est un haut fonctionnaire nommé à Bourbon entre 1817 et 1820. Dès 1822, il publie un livre qui relate son voyage dans les Mascareignes. Grâce à lui , on pénètre dans la demeure de Suzanne NAIRAC et de son époux:  " La famille de M. Kerbalanec était rassemblée sous la varangue, (...) On ne tarda pas à servir: deux jeunes négresses, placées aux extrémités de la table, n'avaient d'autres fonctions pendant le repas que de chasser les mouches avec une longue palme de dattier: les porcelaines étaient de Chine, l'argenterie et les cristaux de Londres et de Paris; " (...) " Par complaisance pour ma curiosité, on me fit voir une partie des appartements, tous meublés avec un certain luxe, mais pourtant avec simplicité." (30). On voit ici comment une partie des esclaves des Nairac servent à accentuer le prestige social de la famille. Il semble qu'avoir servi pour les Nairac ait constitué une référence pour les domestiques à l'Île Bourbon. Dans la Gazette de l'île Bourbon du 19  septembre, on trouve en effet l'annonce suivante: "-- un bon noir cuisinier, pâtissier et confiseur, ayant appris son état chez M. de Nairac; (...)"  (31) On notera au passage l'utilisation de la particule "de" Nairac, dont l'usage anoblit indûment la famille.

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Comme ses frères en France, et comme la plupart des francs-maçons de l'Île, Henry Nairac choisit de s'impliquer dans la vie politique des années révolutionnaires à Bourbon. Dès  1790 il est est élu député à l’Assemblée Générale de la colonie par la Paroisse  de St Pierre et en 1794, il fait un don patriotique de 10 000 livres à l'assemblée Coloniale (14) Livre 2, p 170. Claude Wanquet  (13)  souligne en effet l'empreinte de la maçonnerie sur l’époque révolutionnaire à La Réunion:

    «Tout d’abord, la maison dite de la loge sert de local aux Assemblées générale et coloniale, premiers organes représentatifs des colons, du 25 mai à novembre 1790. (...) Ensuite, le rituel maçonnique parait influencer le fonctionnement des Assemblées", en particulier sur les règles de prises de parole. "Le pourcentage de Maçons, reconnaissables à leurs signatures, est important dans les Assemblées coloniales, surtout durant le premier âge révolutionnaire, libéral et optimiste."

Il est cependant difficile d'en déduire une éventuelle "main-mise" de la maçonnerie sur les évènements révolutionnaires, tant les les trajectoires individuelles sont diverses, Et si au temps de la monarchie les franc-maçons avaient généralement fait preuve de conformisme, pendant la révolution ils furent dans l'ensemble également plutôt modérés. Wanquet en conclut que: "Tout laisse à penser que les querelles politiques ont finalement affaibli la Maçonnerie réunionnaise."

! Approfondir les prises de position de Henry à cette époque !

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Henry Paul Nairac possède probablement aussi des terres au Gol à Saint Louis, où, en 1785, en effet, le Libre François Taochy lui revend l'intégralité de ses esclaves (25) vue 83. Henry Paul fréquente aussi des notables de Saint Louis, en particulier le garde-magasin Pascalis (témoin du mariage de sa fille) et Routier de Romainville (25) p 478 , procureur des biens de la famille Desforges-Boucher de Maison Rouge. C'est cependant surtout son fils, Richard Henry Nairac, qui s'établira à Saint Louis.

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Henry Paul Nairac décède en 1816 à Saint Pierre, à l'âge de 80 ans. Ses héritiers organisent, sur l'habitation de Ravine Blanche, une vente à l'encan de "divers objets dépendants de la succesion de leur père: meubles, argenterie, glaces, verroteries, ustensiles de ménage, etc..." (27) .  Henry Paul avait agrémenté sa maison d'objets luxueux qui matérialisaient sa réussite.

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Richard Henry NAIRAC 1763-1831

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St Denis

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Richard le rejoint peu après, car en 1785 il épouse à Saint Denis Marianne Barbe de LANUX, issue d'une famille de la noblesse "de plume", installée à Bourbon depuis trois générations

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entame une carrière militaire à Saint Denis

1785:  Sous Lieutenant des Dragons
1786:  Officier des Dragons
1788:  Lieutenant des Dragons

+ probablement actité de négoce?

(aucune déclaration d'esclave à St Denis)

 

St Louis

à partir de 1788 à Saint Louis, se enfants naissent pour la plupart  à Maison Rouge "en la maison des Héritiers Boucher-Desforges"

entre 1813 et 1818 Régisseur de l'établissement des Héritiers Boucher-Desforges

1827: Nairac achète aux Saint-Palais le domaine de Maison Rouge

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1822: Une maison au Gol, peut être située au niveau de l'actuelle Pièce Nérac

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St Pierre

Seule une de ses filles naît à Saint Pierre en 1791

Richard et sa soeur gèrent ensemble les habitations de leur père à Saint Pierre

Succession A. P. Nairac déclare des déces d'esclaves à Saint Pierre jusqu'en 1832

Richard déclare alternativement son domicile à Saint Pierre ou à Saint Louis selon les circonstances. D'ailleurs en 1831 son décès est enregistré à Saint Louis, mais il est dit décédé à la Ravine Blanche

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Période révolutionnaire

 puis 1810 à 1815: Les anglais occupent l'Île  + Révolte Saint Leu

=période troublées et d'incertitudes

ce qui explique les mariages tardifs des premières filles?

les réticences à se lancer dans le sucre?

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mariages

Marianne Barbe de LANUX, issue d'une famille de la noblesse "de plume", installée à Bourbon depuis trois générations = avec ce mariage, Henry se lie à une famille qui n'a pas connu de "métissage originel"

Tous ses enfants épousent des zorey

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entouré de personnes qui ont des relations avec des Libres:

- deux cousins Delanux

Véronge Delanux, cousin Germain de la femme de Richard, vit maritalement avec Usule, une esclave affranchie, depuis 1784. Il l'épouse et reconnait 14 enfants, en 1831 soit dès que la loi, assouplie par la Monarchie de juillet lui en reconnait le droit

son père était témoin au mariage Nairac, lui témoin de la naissance d'un des fils Nairac

Son frère Marie Luc épouse la même année une Libre avec laquelle il vit depuis 1800

+ fréquente Pinard,, Romainville, Pascalis qui ont tous une relation suivie avec une femme de couleur

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1814, sa fille Lucie a déjà 28 ans lorsqu'elle épouse Hyacinthe Murat, un négociant qui a près de 20 ans de plus qu'elle. Murat est employé en tant que régisseur sur l'établissement du Gol des frères Couve de Murville, négociants en Île de France. Couve Joseph est probablement un proche de Richard; son père Jean Baptiste était Vénérable de la loge Triple Espérance à Port Louis et lui même se porte témoin pour des actes d'état civil de la famille Nairac en 1822 et 1823

 

sucreries

Contexte: entre 1810 et 1834: premier boom sucrier

grave crise 1830 à 1831

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On aurait pu s'attendre à ce que Richard Nairac figure parmi les pionniers du sucre à st Louis: Le sucre, c'est un domaine qui leur est familier

- famille a déjà l'expérience des plantations sucrières à Saint Domingue

- Couve Joseph Thomas  et Kerbalanec ont déjà l'expérience? Après la cession des Mascareignes au Roi en 1768, l'Ile de France connaît un essor économique basé sur la canne à sucre.

départ timide, surtout la génération suivante qui investira dans les sucreries

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Les temps ont changé, son père fréquentait des nobles et des officiers et des employés du roi. Richard fréquente la nouvelle élite

Au travers des témoins, on peut retracer un cercle de proches de la famille:

des marchands et des négociants: Lartigue (de Bordeaux), Archambault, Lambert, Couve Joseph Thomas

des officiers de marine: Burnouf

des officiers de santé: Becquet, Pinard

d'autres sucriers: Archambault, Lambert

Tous aussi habitants

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liens avec les Dehaulme:

Charles JULIENNE, négociant (mère Deheaulme) temoin de Murat au mariage de sa première fille en 1814

mariage d'une autre de ses fille en 1819 , le régisseur de l'établissement Deheaulme au Gol est dit ami de l'époux

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SOURCES

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  • (3) Geneanet, Catherine VACHEYROUT

 

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  • (7) Émile GARNAULT, Le commerce rochelais au XVIIIe siècle, d'après les documents composant les anciennes archives de la Chambre de commerce de La Rochelle. La représentation commerciale de La Rochelle /La Rochelle, 1887

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  • (8) Geneanet,fraternelle.org

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  • (9) Lieux symboliques en Gironde. Trois siècles de franc-maçonnerie à Bordeaux., Florence Mothe, page 111

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  • (14) Claude WANQUET- Histoire d'une révolution. La Réunion (1789-1803), ed Jeanne Laffite, 1980

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  • (19) ADG, C3 337 (Bordeaux port négrier - XVII°-XIX° siècles, par Éric Saugera)

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  • (20) Mémoire familiale Georgette Patricia - Livre de Georges-Marie MURAT: "Les origines des familles Murat de l'île Bourbon", 1784?

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  • (23) Philippe HAUDRERE, Université d'Angers - La noblesse française aux îles au XVIIIe siècle : l’exemple de Bourbon - Revue Mascareignes,

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Cote de communication : COL E 234, COL E 234
Cote d'archives : COL E 234
Identifiant ark : ark:/61561/up424xrxttrr
Date : 1779 - vue 1

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  • (25)  BESSIERE , Philippe

Les Libres de couleur, à Bourbon, à la fin du XVIIIe siècle : naissance d’un acteur dans le changement social,
Mémoire de maîtrise, sous la dir. de Claude Wanquet, 1996.

​

  • (26)  Sabine NOEL, Amours et familles interdites - Blancs et noirs à l'Île Bourbon (La Réunion) au temp de l'esclavage (1665-1848), Les Indes Savantes, 2022

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  • (27) Gazette du 29 juin 1816 - Ventes à l'encan - ANOM, vue 134
    Document 4MI238  Gazette de l'île Bourbon. 6 janvier 1816-27 décembre 1817. (ANOM, 36 MI 11).

​

  • (28) Jean-François GERAUD - Des habitations-sucreries aux usines sucrières : la "mise en sucre" de l'île Bourbon, 1783-1848 Histoire. université de la réunion, 2002.

 

​

  • (30)  BILLIARD Auguste - Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820, à M. le Cte de Montalivet,., 1822 - pages 33 à 35

 

  • (31) Document 4MI239  Gazette de l'île Bourbon. 3 janvier 1818-25 décembre 1819. (ANOM, 36 MI 12).
    Gazette du 19  septembre 1818 - A VENDRE
    ADR, vue 197

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Les enfants de Richard Henry NAIRAC

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en 1816 « La Parfaite Harmonie » peut donner naissance à une nouvelle loge à l’Orient de Saint-Denis, « L’Amitié ». (13)

nom d'une de ses sucreries, de Emile!!!

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relations avec des Libres:

Henry CARIAN

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Esclave BAUDRY

" Il est en effet souvent d'usage de donner aux enfants de petits esclaves du même âge qui grandissent et parfois vieillissent avec eux"

Sabine NOEL, Amours et familles interdites - Blancs et noirs à l'Île Bourbon (La Réunion) au temps de l'esclavage (1665-1848), Les Indes Savantes, 2022 , page 484

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Antoine Paul
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La famille NAIRAC

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Antoine Paul NAIRAC (1695-1759) = Suzanne ROULLAUD (1702-1775)

  • Pierre Paul NAIRAC (1732- 1812)

  • Elysée NAIRAC (1734- 1812)

  • Henry Paul NAIRAC (1735- 1816) = Anne O'CONNOR (1740-1787)

    • Suzanne NAIRAC (1761- 1829) = Henry Marie SALAUN de KERBALANEC (1750-1832)

    • Richard Henry NAIRAC (1763- 1831) = Marianne Barbe de LANUX (1763-1828)

      • Lucie Anne Marie NAIRAC (1786- 1868) = Hyacinthe MURAT (1769-1823)

      • Edith Augustine Baptistine NAIRAC (1787- 1865) = Pierre Nicolas SEURIOT (1774-1838)

      • Désiré Cher Jean NAIRAC (1788- 1827)

      • Henriette Antoinette Sophie NAIRAC (1791- 1864) = Auguste BAUDRY (1793-1865)

      • Paul Emile Henry NAIRAC (1796- 1858) = Dauphine Sophie PARIS (1797-1844)

      • Suzanne Marie Anne NAIRAC (1797- 1846) = Jean SENAC (1791- ap. 1850)

  • Jean Baptiste de NAIRAC (1738- 1817)

  • Alexandre NAIRAC (1744- 1786)

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henry Paul
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Richard Henry
Sources
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